Il y a 150 ans, Toulouse connaissait l’une des pires catastrophes de son histoire. On est le 23 juin 1875, et la Garonne sort de son lit dans ce qui sera la pire crue connue de l’histoire de Toulouse. Le pont Saint-Pierre, puis le pont Saint-Michel cèdent tour à tour. Seul le Pont Neuf résiste grâce à ses dégueuloirs et sa forme asymétrique pensée pour atténuer la pression de l’eau sur ses épaisses piles. Avec un débit dépassant les 8 000 000 de L par seconde, soit près de 42 fois son débit moyen, l’eau du fleuve atteint le sommet de la plus haute arche du Pont-Neuf.
« Lorsque le fleuve vers 5 heures du soir a eu dépassé le parapet du quai Dillon, circonstance qui ne s’était jamais produite depuis la construction de ce quai, il s’est répandu comme un torrent sur le cours, puis dans les rues du faubourg, où les eaux sont arrivées bientôt jusqu’au premier étage des maisons. » Le Journal de Toulouse – 24 juin 1875 / Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de Toulouse
Si elle touche par endroits les bas quartiers de la rive droite, c’est surtout dans le faubourg Saint-Cyprien que l’inondation sera la plus dévastatrice. Dans ce quartier très populaire, la crue surprend ses quelques 20 à 30 000 habitants et les rues se retrouvent noyées sous au moins 3 m d’eau. A La Grave, l’eau monte à 4,41 m au-dessus du niveau de la rue et envahit littéralement la chapelle Saint-Joseph. Un repère de crue permet encore aujourd’hui de se faire une idée de la hauteur des eaux.
« Une barque, chargée d’habitants, a été entraînée dans le petit jardin de l’Hôtel-Dieu ; elle s’est brisée contre le mur de cet édifice et les malheureux qu’elle contenait on été submergés ; on n’a pu en sauver qu’un très-petit nombre. » Le Journal de Toulouse – 24 juin 1875 / Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de Toulouse
Au total, ce sont près de 1000 maisons qui seront détruites et le terrible bilan humain de cette catastrophe s’élève à 208 victimes. A Saint-Cyprien, et à quelques endroits de la rive droite, des repères permettent de se figurer le niveau historique atteint par les eaux.
« Le faubourg présente en ce moment l’image d’une vaste nécropole : aucun être humain ne s’y montre, que ceux que les intrépides chercheurs retrouvent. Il y règne un horrible silence qui n’est interrompu que par les pas des chevaux et le bruit des instruments de fer fouillant dans les ruines. Ce malheureux quartier n’existe plus que de nom. Que de pertes ! Que de deuils ! Les dégâts sont indescriptibles. » Le Journal de Toulouse – 24 juin 1875 / Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de Toulouse
Cette crue historique est vraisemblablement la conséquence de conditions météorologiques particulièrement défavorables : un mois de mai et juin très humides, des sols saturés en eau et un épisode méditerranéen provoquant des pluies intenses à la fois sur le piémont pyrénéen, et dans les Corbières et le Minervois.
La DREAL Occitanie prévient : « Une crue de cette ampleur est rare, mais peut tout à fait se reproduire dans des conditions hydro-météorologiques similaires. Son impact sur la ville de Toulouse serait toutefois bien moindre du fait de l’extension et de la consolidation de son système d'endiguement, conçu pour contenir une crue équivalente. »
Crédits images :
- Remerciements à la DREAL qui nous a fourni de précieuses informations concernant les conditions météo de juin 1875, ainsi que les dispositifs mis en place de nos jours pour prévenir de tels événements
- 1Fi10631 Inondations de 1875 - Rue St Nicolas. Grande rue Saint-Nicolas. Juin 1875. Vue d'un immeuble détruit par la crue de la Garonne avec, en fond, le dôme de la chapelle de Saint-Joseph-de-la-Grave ; mention imprimée au bas de l'image : "A. Trantoul. Phot.", Archives de Toulouse
- 4Fi4 [Inondations de 1875] Crue de la Garonne le 25 juin 1875, tirée d'une gravure de Marcel Guiot. Vue du quai de la Daurade vers le pont Neuf. (plaque sous-exposée), Archives de Toulouse
- 45Fi779 [Inondation de 1875]. Toulouse. Episode de la mort du marquis d'Hautpoul à l'angle du pont et de l'Hôtel-Dieu Place Lagane. 23 et 24 juin 1875, Archives de Toulouse
- MHNT_PHa_1824_T_037 Eugène Trutat, vue sur la place Laganne, le château d'eau et l'Hôtel Dieu, 1875, Muséum de Toulouse
- MHNT.PHa.138.Tx07 Grilles se Saint-Cyprien, Eugène Trutat, 1875, Muséum de Toulouse